Professeure agrégée au Département de communication de l’Université de Montréal, Line Grenier se spécialise dans l’analyse dans les médias et la culture populaire, ainsi que dans les industries culturelles et politiques de communication afférentes à la musique. Elle apporte un éclairage théorique sur cette question du spectacle, tant en ville qu’en province.
Quelle importance a le
spectacle dans le marché de la musique à Québec ?
Line Grenier: C’est de plus en plus
important, mais il faut nuancer. Le poids du spectacle a bougé avec
le temps, et son importance a changé en fonction de la fonction
qu’on lui fait jouer maintenant. Il y a une relative indépendance
de plus en plus grande entre la musique enregistrée et la musique de spectacle.
Programmer en région,
est-ce encore rentable ?
L.G: Oui
et non. Paradoxalement, c’est dans les grandes villes comme
Montréal que les salles ont beaucoup de difficulté à rentabiliser
leur programmation. En région, parallèlement au Réseau Rideau, les
auditoriums des Cégeps accueillent pas mal de spectacles. C’est
par ce biais-là que dans les années 1960 et 1970, on a développé
des salles en région qui étaient un peu plus grandes. Dans la ville
de Québec, il y a un choix de salles adaptées à toutes sortes de
grandeur pour tous les publics. En région, il n’y a pas cette
multiplicité-là. D’où la pertinence des réseaux de petites
salles qui vont essayer de s’aider. Les festivals jouent aussi un
rôle-clef pour les régions. Certains deviennent vraiment des
piliers. Le festival transmute la région où il se déroule, et
permet de jouer le rôle de concentration : au lieu d’amener
les artistes, on amène le public. Ça n’aide pas les salles, mais
ça permet d’avoir une offre culturelle qui va prouver aux artistes
ensuite que ça vaut la peine de revenir en intérieur.
Assiste-on à une
augmentation ou une diminution des salles au Québec ?
L.G.: C’est très difficile à
chiffrer. Par le biais des petites salles qui se connaissent et
parlent avec leurs voisines hors-Montréal, leur nombre, s’il
n’augmente pas, se maintient. En ville, les salles ont une durée
de vie limitée. Pour ne prendre que Montréal, le nombre de salles
qui ont une programmation musicale régulière à l’année est
grosso modo le même qu’il était il y a 10 ans, mais il y a
eu un roulement; certaines de ces salles perdurent depuis longtemps.
Mais il y a aussi tout un noyau de salles qui ont une durée de vie
d’entre cinq et dix ans. Il y a vraiment toutes sortes de
changements. Pour les grandes salles, leur durée de vie est plus
grande. À Montréal, il y a quelques années, une des salles-phares
était le Spectrum. Ce dernier a été remplacé depuis par deux salles plus petites. Il
faut regarder le nombre de salles, leur durée de vie et le rythme
auxquels ils changent, et ça donne un très bon indice de la
difficulté du milieu du spectacle.